09-25-2017, 03:50 PM
Ah OK. Merci de tes explications, c'est plus clair.
Personnellement, j'ai expérimenté le dialogue social au sein de la SNCF, qui était - à mon petit niveau d'encadrement - totalement verrouillé : quand j'étais responsable du chantier Fret SNCF du port autonome de Bordeaux, j'avais 75 agents SNCF sous ma responsabilité. C'était en 2002/2003, lors de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, donc une période propice aux conflits sociaux. Avec le recul et l'expérience j'ai été très déçu du dialogue social à la SNCF, qui, comme le reste de la boîte, était très centralisé :
- les préavis venaient de la centrale syndicale
- en local, les agents se masturbaient l'esprit sur les motifs du préavis, ce qui décidait - selon les talents d'orateur du délégué syndical local - du taux de mobilisation
- il m'était alors impossible d'influer de quelque manière que ce soit ni sur la mobilisation de "mes" salariés, pour tenter de les dissuader de faire grève, tenter de comprendre leurs réelles motivations à faire grève (si tant est qu'ils en avaient), et faire en sorte d'améliorer leurs conditions de travail dans un esprit gagnant - gagnant
- le siège (côté direction) ne nous descendait qu'une seule info : fallait remonter le taux de participation à 8h / 12h / 20h (chantier fonctionnant en 3x8) dans l'heure qui suivait ; c'était notre seul rôle de manager terrain...
A l'opposé, aujourd'hui je dirige 2 petites entités de 60 et 50 salariés, affiliées à un grand groupe (58000 salariés) lui-même filiale de la SNCF. Mais là, en tant que directeur et mandataire sociale des structures, on me laisse les mains totalement libres. Du coup, je peux bosser au quotidien avec mes salariés et leurs représentants, qui ne sont pas vérolés par une centrale nationale. Résultat, on traite les sujets dès qu'ils se présentent, en réunion DUP ou CHSCT, mais la plupart du temps en réalité dans la salle de prise de service : 80% des sujets que l'on traite pour améliorer leurs conditions de travail ou l'efficacité de la filiale n'apparaissent pas sur les comptes-rendus des réunions DP, sauf quand il faut entériner par écrit des accords basés sur une parole donnée. Sur l'un de mes 2 centres, j'en suis même venu (je sais, c'est dangereux) à traiter avec des représentants du personnel "officieux", parce qu'il s'agit de salariés constructifs qui représentent le point de vue de la majorité de l'effectif de la structure (et parce que les élus sont totalement inexistants et improductifs).
Résultat ? En 3 ans, 0 jour de grève, 0 alarme sociale, et 0 clash. On a des échanges parfois raides, on est parfois en désaccord, mais on trouve toujours un compromis, et je pense que ce compromis représente toujours un équilibre gagnant / gagnant pour les 2 parties.
C'est pour ça que j'estime intelligente la mesure du gouvernement Macron visant à redescendre le dialogue social directement dans les entreprises. Parce que quand c'est fait intelligemment avec des gens intelligents, ça marche. La merde actuelle est autant la faute des syndicats que du patronat, parce que des 2 côtés on doit composer avec des luttes de pouvoir, des visions très parisiennes et centrales des problématiques. Aujourd'hui, même dans un secteur d'activité identique, 2 entreprises peuvent avoir des problématiques très différentes.
Cette rentrée, j'ai un souci social à gérer : parce qu'en mars dernier lors d'un audit RH par des experts du siège de mon groupe il a été prouvé par A + B que notre amplitude journalière à 14 heures était illégale, je suis repassé à une amplitude 11h / 13h. Bah les salariés sont furieux, parce qu'ils préfèrent bosser sur une plus forte amplitude, car ça leur permet de faire leur semaine en 4 jours et d'avoir des jours sans venir travailler. Mes élus du personnel considèrent que ce passage de 14 à 11h d'amplitude est une dégradation de leurs conditions de travail... donc en résumé, parce que je ne peux pas organiser le boulot comme mes salariés ont envie, je risque des blocages. C'est quand même assez paradoxal !
Mais en parallèle de ça, aucun préavis national n'est jamais suivi dans mes filiales, parce qu'ils savant que les sujets se discutent avec moi, dans un climat de confiance et de respect réciproques. Et ils ont compris qu'ils avaient tout à gagner à ça.
Personnellement, j'ai expérimenté le dialogue social au sein de la SNCF, qui était - à mon petit niveau d'encadrement - totalement verrouillé : quand j'étais responsable du chantier Fret SNCF du port autonome de Bordeaux, j'avais 75 agents SNCF sous ma responsabilité. C'était en 2002/2003, lors de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, donc une période propice aux conflits sociaux. Avec le recul et l'expérience j'ai été très déçu du dialogue social à la SNCF, qui, comme le reste de la boîte, était très centralisé :
- les préavis venaient de la centrale syndicale
- en local, les agents se masturbaient l'esprit sur les motifs du préavis, ce qui décidait - selon les talents d'orateur du délégué syndical local - du taux de mobilisation
- il m'était alors impossible d'influer de quelque manière que ce soit ni sur la mobilisation de "mes" salariés, pour tenter de les dissuader de faire grève, tenter de comprendre leurs réelles motivations à faire grève (si tant est qu'ils en avaient), et faire en sorte d'améliorer leurs conditions de travail dans un esprit gagnant - gagnant
- le siège (côté direction) ne nous descendait qu'une seule info : fallait remonter le taux de participation à 8h / 12h / 20h (chantier fonctionnant en 3x8) dans l'heure qui suivait ; c'était notre seul rôle de manager terrain...
A l'opposé, aujourd'hui je dirige 2 petites entités de 60 et 50 salariés, affiliées à un grand groupe (58000 salariés) lui-même filiale de la SNCF. Mais là, en tant que directeur et mandataire sociale des structures, on me laisse les mains totalement libres. Du coup, je peux bosser au quotidien avec mes salariés et leurs représentants, qui ne sont pas vérolés par une centrale nationale. Résultat, on traite les sujets dès qu'ils se présentent, en réunion DUP ou CHSCT, mais la plupart du temps en réalité dans la salle de prise de service : 80% des sujets que l'on traite pour améliorer leurs conditions de travail ou l'efficacité de la filiale n'apparaissent pas sur les comptes-rendus des réunions DP, sauf quand il faut entériner par écrit des accords basés sur une parole donnée. Sur l'un de mes 2 centres, j'en suis même venu (je sais, c'est dangereux) à traiter avec des représentants du personnel "officieux", parce qu'il s'agit de salariés constructifs qui représentent le point de vue de la majorité de l'effectif de la structure (et parce que les élus sont totalement inexistants et improductifs).
Résultat ? En 3 ans, 0 jour de grève, 0 alarme sociale, et 0 clash. On a des échanges parfois raides, on est parfois en désaccord, mais on trouve toujours un compromis, et je pense que ce compromis représente toujours un équilibre gagnant / gagnant pour les 2 parties.
C'est pour ça que j'estime intelligente la mesure du gouvernement Macron visant à redescendre le dialogue social directement dans les entreprises. Parce que quand c'est fait intelligemment avec des gens intelligents, ça marche. La merde actuelle est autant la faute des syndicats que du patronat, parce que des 2 côtés on doit composer avec des luttes de pouvoir, des visions très parisiennes et centrales des problématiques. Aujourd'hui, même dans un secteur d'activité identique, 2 entreprises peuvent avoir des problématiques très différentes.
Cette rentrée, j'ai un souci social à gérer : parce qu'en mars dernier lors d'un audit RH par des experts du siège de mon groupe il a été prouvé par A + B que notre amplitude journalière à 14 heures était illégale, je suis repassé à une amplitude 11h / 13h. Bah les salariés sont furieux, parce qu'ils préfèrent bosser sur une plus forte amplitude, car ça leur permet de faire leur semaine en 4 jours et d'avoir des jours sans venir travailler. Mes élus du personnel considèrent que ce passage de 14 à 11h d'amplitude est une dégradation de leurs conditions de travail... donc en résumé, parce que je ne peux pas organiser le boulot comme mes salariés ont envie, je risque des blocages. C'est quand même assez paradoxal !
Mais en parallèle de ça, aucun préavis national n'est jamais suivi dans mes filiales, parce qu'ils savant que les sujets se discutent avec moi, dans un climat de confiance et de respect réciproques. Et ils ont compris qu'ils avaient tout à gagner à ça.
