Conseils pour une amie

[Nikotec]

Dans cette histoire, il y a deux choses distinctes et d'importances différentes. En premier lieu, les suites judiciaires et le plus important, les conséquences sur ton amie.



Du côté judiciaire, comme tout le monde, les choses me paraissent claires: malgré le caractère profondément injuste de la décision rendue, il n'y a d'autre solution que d'en prendre acte. Le procureur a rendu une décision logique au vu du droit. On touche là, comme trop souvent, la différence entre droit et justice au sens où l'entend le vulgum pecum. J'ai déjà eu affaire à ce genre de décision, pour des cas bien moins graves et c'est quelque chose de difficile à accepter...quelque chose qui chez certaines personnes peut avoir des conséquences profondes en ébranlant des convictions fortes et un sens de la justice ou plutôt de l'injustice à fleur de peau. Hélas, il semble bien que ça puisse être le cas pour ton amie.



Ca m'amène au second point, le plus important: les conséquences de cette agression sur le moral de ton amie. Je rejoins à 100% Ec et Ypos dans leur conseil de modération. Comme le dit Ypos, mettez un volant entre les mains d'un être humain et il se transforme en un(e) autre, sans doute en raison de la nature de l'objet même, qui, inconsciemment, procure un sentiment de puissance et de protection, une sorte de prolongement fantasmé de sa capacité de domination. Un sentiment évidemment bien loin de la réalité. Comme souligné par Ec, ça se passe en quelques secondes et peut aboutir à des conséquences dramatiques, quelle que soit l'issue de la confrontation.



Je pense que si ton amie a connu la dépression à la suite de cet évènement, c'est probablement parce qu'elle avait déjà un sac un peu trop rempli, que ça ait pu se lire ou pas dans ses actes ou ses attitudes. La plupart des personnes ont une attitude de raison et de maturité dont une des manifestations est la capacité à gérer des frustrations. Alors quand elles ont affaire à cette minorité qui, elle, n'en est pas capable, elles risquent de fortes secousses émotionnelles car cette frustration qui ne trouve de "gestion" que dans l'agression de l'interlocuteur leur paraît disproportionnée mais surtout très soudaine. Dès lors, l'agression commence à bas bruit, un simple regard suffit à qui n'emploie pas la violence et ne la cotoie que de façon exceptionnelle. Ce qu'a subi ton amie est une véritable agression, de forte intensité et il a peut être suffi qu'elle ne soit pas considérée comme telle en raison de sa triste banalité pour qu'au delà du sentiment d'injustice naisse celui de culpabilité. Une culpabilité pas forcément très consciente mais qui vient en réponse de l'analyse inévitable de l'évènement. Si je ne suis pas reconnu comme victime, c'est bien que j'ai du faire une erreur. Et en l'espèce, je pense que ton amie a avant tout besoin d'être reconnue comme victime et comme victime de quelque chose de grave. Pour quelqu'un de non violent, qui plus est en évidente position de faiblesse, ce qu'elle a subi est très traumatisant. Il m'est arrivé sur la route, des choses qui auraient pu terminer de cette façon parce que des tarés avaient placé leur orgueil au dessus de toute notion de raison. Du motard à l'utilitaire qui s'arrête sur la voie de gauche pour une manœuvre défiant la magnificence de l'aigle de la route qu'on avait pas conscience de devancer, au camion essayant de me sortir de la route en passant par le sociopathe qui vient déverser ses insultes à ma vitre... Dans ce dernier cas et alors qu'objectivement je n'avais rien à me reprocher, la scène a trotté un moment dans ma tête, simplement parce que cette violence soudaine m'a laissé dans la stupéfaction et presque dans la non réaction tant elle était éloignée de mon mode de fonctionnement. C'est là tout le danger de la violence de rue, on ne la voit pas toujours venir alors qu'elle est là, en germe à tout moment.



La self défense est une des possibilités de réponse à cette violence, non par les techniques physiques qu'elle permet et qui sont parfois voire souvent impossibles à mettre en œuvre mais bien par la capacité d'anticipation qu'elle permet de développer. Nous sommes des animaux et si l'adrénaline permet de gérer l'urgence, les quelques secondes d'anticipation dans l'analyse d'une situation font bien souvent la différences. C'est vrai au volant comme dans la rue.



Ton amie a besoin d'être écoutée. Ses valeurs et sa façon de fonctionner ont été à mon avis salement ébranlées et ça ne peut pas passer comme ça. Plus elle sera écoutée, sans forcément être conseillée, par vous ou un(e) professionnelle, meilleures seront ses chances de ranger ça au rayon de ses expériences malheureuses mais instructives. Mes meilleurs voeux de rétablissement à elle.